Annonces 1952

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Ces petites annonces m'ont été envoyées amicalement par

Manuel Joachim PEREZ (né en 1947 à Oran)

que je remercie infiniment

 

 

Retour du corps de Hubert Parienty

 

 

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Les Cadets de La Marsa

 

 

 

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Curieux phénomène

 

 

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Distinctions

Succès scolaires

Fête de Saint Pierre

Don de poisson pour les cantines scolaires

Mariage de Michel Perez artiste peintre avec Carmen Soler - rien sur ces 2 personnes

 

 

 

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Naissance de Jean Luc Proto (était dans ma classe)

 

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Incendie au Murdjadjo

 

Don : A l'occasion du mariage de sa fille Suzanne,

Mr Georges Andreoli a fait un don de 15000 francs pour les indigents du village

Succès scolaire : Suzanne Schiano di Lombo (elle est devenue Professeur de Sciences)

 

 

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Ferrara Antoine dit de Caporal né en 1894 (57 ans) époux de Françoise Lopez

Gimenez Mariano dit Samson né en 1884 à Oran est décédé le 17/12/1951 - époux de Maria Campoy

Tramini Jean Baptiste né en 1880 (71 ans) époux de Catherine xxxxx ??

Adzuar Antoine né en 1898 (53 ans) époux de Marie Antoinette Palumbo

 

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1952 Décès (2)

Scotto d'Ardino Gennaro Pietro Paolo né en 1863 (88 ans) époux de Lucie Migliore

Conesa José Francisco né en 1888 (65 ans) époux de Antonia Munuera

Ruiz Jean né en 1893 (58 ans) époux de Marie Philomène Peruffo

 

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Abad juan né en 1890 (61 ans) époux Gonzalez ???

Beltra Thérèse née en 1875 épouse de Joseph Soler

Santorelli Aniel né en 1905 (46 ans) époux de Marguerite Autuoro

 

 

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Scotto di Pompeo Jeannette épouse Scotto d'Anielo (Oran)

 

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Forques Catherine née en 1899 (52 ans) épouse de Mariano Candela

Martinez Soccorro 97 ans épouse Morales ???

Membrilla Antoine - rien de plus

Antonini Rapahel né en 1906 (46 ans) époux de Antoinette Selva

Schiano di Sciabica François né en 1921 (31 ans) - célibataire ??

 

 

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Launaro Gaétano né en 1877 (75 ans) époux de Angela Attanasio

Gil Manuel veuf de Françoise Viciana - rien de plus

Tagliamonte Jean né en 1886 (66 ans) époux ???

Candela Antonia né en 1873 (78 ans) veuve de José Galiana

 

 

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Décès (5)

Ferrara Rosa née en 1878 (73 ans) épouse de Domenico Arrigoni

Ferrara Janvier né en 1892 (60 ans) époux de Antoinette Scotto Lomassesse

Lopez Francisca née en 1873 veuve de Antonio Lopez épouse de Félicien Collonge

Langendorf Louise Léocadie née en 1889 (63 ans) épouse Pidancet ???

Barrere jeanne décédée en 1951 épouse Laclotte

Gournay Jacques Henri 5 ans fils de Paul et Huguette Tremino

 

 

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Décès (6)

 

 

 

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Par 30 mètres de fond dans la baie de Mers-el-Kébir

Ci-gît, ses entrailles mutilées, la « Bretagne », cuirassé d’escadre…

Il est des drames empreints d’une si désolante tristesse que l’on n’en parle qu’à mi-voix. Celui qui eut pour cadre la baie de Mers-el-Kébir, en cette fin de journée du 3 juillet 1940, est de ceux-là.

Des évènements sanglants qui marquèrent ces instants tragiques enregistrés par l’Histoire, on devra surtout retenir celui-ci : le cuirassé d’escadre « Bretagne », touché par une salve d’obus de gros calibre, venait de rencontrer son Destin.

Une formidable explosion ébranla l’air, tandis qu’une flamme haute de plusieurs dizaines de mètres s’échappait des flancs du navire, frappé à mort. La soute à munitions située au milieu de la coque venait de sauter. Et cette énorme masse, soulevée comme une frêle embarcation, retomba la quille en l’air, et sous le double effet de la déflagration et des voies d’eau, en trente secondes à peine l’eau du grand port, alourdie de plaques de mazout flamboyantes, se referma sur ce grand bâtiment de ligne qui avait été si longtemps l’honneur du pavillon français.

Il n’était pas neuf, mais …

Si la « Bretagne » était loin, en effet, de présenter les qualités d’une unité de combat moderne, la solidité de sa construction lui permettait encore de tenir une place honorable au sein de notre flotte de guerre..

De la même classe que la « Lorraine » et la « Provence », il était sorti des chantiers de Brest lors de la « libération » du programme de 1912. Entré en service en 1915, il avait été modernisé en 1919-1920, et refondu en 1935, date à laquelle on y installa de nouvelles chaudières chauffées au mazout. Ses turbines, d’une puissance de 30.000 chevaux, actionnaient quatre hélices – deux centrales et deux latérales – qui lui imprimaient une vitesse maximum de 23 noeuds.

L’armement du bord comportait 10 pièces de 340, 18 de 138, 7 de 75 anti-aériens, 5 de 47 et 4 tubes lance-torpilles de 450.

D’une longueur hors-tout de 166 mètres et d’une largeur de 27 mètres, il déplaçait 23.000 tonnes.

On le voit, la « Bretagne » n’était pas un navire d’un potentiel tactique égal à celui de ses benjamins « Strasbourg » et « Algérie », qui allaient d’ailleurs connaître une fin tragique à Toulon, mais on pouvait encore, en 1940, le considérer comme une unité « qui compte »…

Terribles blessures

Les techniciens de la Marine nationale devaient peu après ce dramatique évènement, se voir confier la mission préliminaire d’examiner la position exacte du navire ainsi que de, dresser un état précis de ses blessures.

Une équipe de scaphandriers se mit à l’ouvrage, et voici quel devait être le bilan de leurs investigations :

Le cuirassé repose sur un fond relativement dur par tribord, l’arrière étant situé à 130 mètres de la grande jetée, et presque parallèlement à celle-ci. Il est appuyé sur le fond, la quille en l’air, avec environ 28 degrés de bande. L’avant prend contact avec un fond de 22 mètres 50 de profondeur, tandis que l’arrière est plus bas : 28 mètres environ.

La coque a subi de graves avaries, en particulier dans la région centrale du bâtiment, où l’explosion de la soute à munitions a ouvert une brèche de 2 mètres 50 sur 3 mètres 50.

Sur l’arrière, une autre échancrure béante entaille la tôle blindée sur 6 mètres de long et 2 mètres 50 de large.

Par ailleurs, les ponts voisins de la tourelle 3 ont sérieusement souffert : de nombreuses tôles des membrures et des « barrots » ont été arrachés, déformés ou disjoints.

Mais ce n’est pas tout. Dans la partie arrière, à 5 mètres de la sortie de l’arbre de l’hélice tribord latérale, un obus est entré sous la cuirasse, un peu sous l’axe de la tourelle 4, et a fait également des dégâts importants. Les doubles-fonds sont abimés, les couples sont déformés. Le pied de la cuirasse est décollé de sa tablette-support depuis la hauteur du mât arrière jusqu’à l’extrémité du bâtiment. La plage arrière est disloquée, le « bordé » au-dessus de la cuirasse est écrasé à tribord.

Le pont supérieur est arraché à quelques mètres du « bordé ». Des « virures » de tôles ont disparu et celles qui restent sont fortement déformées. De nombreuses membrures sont cassées.

Tel est le bilan – nécessairement résumé – établi par la Direction des Constructions et Armes Navales, des terribles blessures de la « Bretagne », dont le point culminant de la quille, à 4 mètres seulement au-dessous du niveau de la mer est visible par eaux claires, sous un ciel lumineux.

Ce sont ces données précises qui ont permis de décider du sort réservé à l’épave. Un sort déjà en marche, ainsi que je vais avoir l’occasion de m’en rendre compte sur place.

 

8 novembre 1942 : la « Bretagne » va-t-elle sombrer à nouveau… dans l’oubli des hommes ?

On a souvent l’occasion de constater, dans des circonstances toutes différentes il est vrai, qu’il est « des morts qu’il faut abattre ». Que l’on m’excuse cette analogie avec le sort du glorieux cuirassé d’escadre, mort en son lit pendant un sommeil que les évènements lui avaient imposé…

Toutefois, tel devait être un peu le cas de cette épave de 160 mètres, dont le point culminant arrivait à 4 mètres à peine de la surface. Ainsi abattu, le navire devenait gênant. Dangereux même pour une utilisation normale du port militaire, que par un curieux pressentiment l’on prévoyait imminente.

Un dessin est la reproduction exacte du plan dessiné par M. H. Pellé, des Services oranais de la Direction des Constructions et Armes Navales (D.C.A.N.). Il montre d’une façon saisissante la position de la « Bretagne » sur un fond rocheux qui va de moins 23m50 vers l’avant à moins 28 mètres vers l’arrière.

Tel apparaîtrait le navire à un observateur placé à l’Ouest, c’est-à-dire au pied du fort de Mers-el- Kébir.

On remarquera, sur le sommet de la coque, la large déchirure provoquée par l’explosion de la soute centrale.

Un projet irréalisable

C’est pourquoi dès avant le débarquement allié du 8 novembre 1942, les services techniques de la Marine nationale se livrèrent à une étude approfondie des moyens propres à renflouer le navire. Sinon pour le remettre en état du moins pour le mettre au sec et procéder aisément à son découpage et à la récupération de tout ce qu’il représentait de « récupérable ».

Si ce projet pouvait être réalisé, il bénéficierait de cet avantage énorme d’éliminer toutes les difficultés sous-marines : plus de tâtonnements, plus de rapidité aussi dans le travail par la mise en oeuvre d’un outillage et d’un personnel beaucoup plus importants.

Seulement voilà : les études auxquelles se livrèrent les ingénieurs aboutirent à une décevante conclusion. La réalisation d’un tel programme était trop coûteuse, du fait précisément de la mise en jeu d’un matériel énorme dépassant la valeur marchande des matières récupérées. Car, ainsi qu’on l’a déjà vu, les caractéristiques déjà démodées du cuirassé ne permettaient pas d’envisager sa remise en état.

On pénètre à bord…

Comme il fallait avant tout dégager le plan d’eau du port de guerre, on envisagea, au pis-aller, d’alléger suffisamment l’épave de façon à pouvoir la remorquer vers le large pour la couler dans un haut fond.

C’est ainsi que, sans plus attendre, on entreprit quelques travaux. Sous la surveillance de la Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN), l’entreprise Joya-Chabert et la Société du Matériel Naval du Midi avaient entrepris de construire des « batardeaux » pour renflouer l’épave. Les choses allèrent même plus loin : un « sas » (sorte de cloche à air) fixé sur la partie avant de la coque avait permis de pénétrer à l’intérieur du navire et de récupérer à la fois, dans les soutes de 340, des munitions ainsi qu’une centaine de corps.

Roosevelt arrive !

Ce fut alors l’arrivée inopinée des forces américaines, le 8 novembre 1942. Devant l’ampleur de l’évènement, les travaux furent interrompus. Et la fière « Bretagne » d’autrefois, figée par 28 mètres de fond, devait voir évoluer jour et nuit et pendant des mois, les étraves et les coques des bateaux les plus divers de la plus grande Armada que l’Histoire ait jamais connue.

Ce fut l’époque où, dans un mouvement perpétuel, chars et camions roulaient sur quatre files, tout au long de la grande jetée, déversant un tel tonnage que pendant trois mois le port bicéphale d’Oran-Mers-el-Kébir fut par son trafic, le premier du monde…

On comprend que dans de telles conjonctures la DCAN oranaise se trouva du jour au lendemain, entièrement orientée vers l’effort de guerre demandé par les Alliés en Afrique du Nord.

La « Bretagne » contrainte à un long sommeil, allait-elle pour cela sombrer à nouveau… dans l’oubli des hommes cette fois ?

Pour de multiples raisons, on ne pouvait permettre à l’épave de la « Bretagne » de séjourner indéfiniment dans le plan d’eau du grand bassin militaire, qu’avec les progrès de la science l’on considérait déjà comme le futur « port atomique » numéro un de la Méditerranée.

Ces raisons, rappelons-les brièvement :

1 – Cette masse de 160 mètres, avec un point culminant de quatre mètres sous le niveau des eaux constituait une gêne évidente pour l’évolution des navires ;

2 – La présence, dans les entrailles du navire, de trois soutes à munitions copieusement garnies restait un danger permanent ;

3 – La récupération, par la Marine, de métaux non ferreux et appareils divers avait un intérêt certain.

La démolition sous-marine est décidée

C’est ainsi que dans le courant 1951, des appels d’offres furent lancés à différentes sociétés civiles, soit pour le renflouement du cuirassé, soit pour son découpage direct sous l’eau. La seconde solution devait seule faire l’objet de soumissions.

L’entreprise Van Acker, dont le siège social est à La Seyne-Bois-Sacré, inscrite au registre de commerce de Toulon, fut déclarée adjudicatrice.

Le contrat signé fixait un délai de 38 mois pour terminer ce travail aussi gigantesque que méthodique et délicat. Les opérations, commencées en janvier 1952, doivent donc prendre fin le 11 février 1955, avec cette clause supplémentaire que le 11 juin 1953 un tirant d’eau de 8 à 9 mètres doit être libéré au-dessus de l’épave. 5

Il est évident qu’au moment où ses dirigeants s’engageaient à effectuer ce travail dans les délais impartis, l’entreprise adjudicatrice avait été pise au courant, par un rapport détaillé, illustré de plans précis, de la position du cuirassé, de la nature et de l’ampleur de ses graves avaries.

L’Etat, spécifie d’ailleurs le contrat, ne pouvant être tenu pour responsable des risques divers consécutifs aux opérations de guerre qui ont détruit le navire, aucune réclamation ne sera admise, notamment en ce qui concerne la présence dans l’épave ou autour, de munitions, grenades, mines, charges de sabordage ou autres explosifs.

« L’Etat ne donne aucune garantie sur la nature, les quantités de matières premières existant à bord. Dès le commencement des travaux, la responsabilité entière de l’épave incombera à l’entreprise. Tous les frais correspondant seront à sa charge. »

- Et si la société, concessionnaire, ai-je demandé, pour une raison ou pour une autre, ne parvenait pas à libérer entièrement le plan d’eau à la date limite du 11 février 1955 ?

- Cela a été prévu. Voyez les stipulations du marché… »

Je lis en effet à l’article 7 :

- En cas de dépassement du délai fixé ci-dessus, imputable à l’entreprise, il lui sera appliqué une pénalité de 15.000 francs par jour de retard. Les pénalités seront exigées de plein droit, sans mise en demeure préalable. »

- Ces conditions sont aussi sévères qu’un règlement militaire… ai-je fait remarquer à l’ingénieur de première classe Guillou, de la DCAN, qui est chargé de la surveillance directe des travaux de découpage de l’épave, mais qui, en fait, a été pour beaucoup l’artisan d’une collaboration confiante et féconde entre son administration et les représentants de la société concessionnaire : M. Van Acker, son fils Gérard et leurs collaborateurs, notamment l’ingénieur chef de chantier M.Colonesi.

Une entreprise qui a fait ses preuves…

Il faut dire que l’autorité maritime sait que sa confiance est bien placée.

En effet, la Société Van Acker est une entreprise qui, par la qualité de son matériel et l’expérience de ses techniciens et ouvriers, a déjà établi la preuve qu’elle était capable d’effectuer dans des conditions parfaites la tâche qui lui était demandée.

Elle est dotée, à La Seyne, d’une installation fixe et notamment d’un chantier de démolition qui la classent parmi les premières d’Europe. Elle a, par ailleurs, des titres de noblesse indiscutables dont son personnel a lieu d’être fier. Je me bornerai à fournir trois exemples parmi tous ceux qui m’ont été donnés : les démolitions sous-marine du croiseur de 10.000 tonnes « Dupleix », de l’ancien croiseur « Le Rhin » et du submersible « Acheron », tous sabordés dans la baie de Toulon.

Et je ne citerai que pour mémoire les renflouements du paquebot « André Lebon », des croiseurs « Algérie » et « Marseillaise », du cuirassé « Condorcet », des contre-torpilleurs « Volta », « Lynx », « Palme », « Mars », « Verdun », « Aigle », « Vautour ». Puis d’autres opérations encore, qui peuvent être considérées comme des exploits : le découpage par 30 mètres de fond, du paquebot « Virgile » et du « Foudroyant », ainsi que le renflouement à l’air comprimé du sous-marin « Vénus » par 32 mètres de fond, toujours en rade de Toulon.

Cet éloquent palmarès, qui comporte en réalité une bonne cinquantaine de travaux de grande classe, j’ai eu quelques peine à l’établir : on est naturellement discret par modestie, au petit bureau de la rue Lyautey, installé au vieux quartier napolitain de Mers-el-Kébir…

Coups de pétards et chalumeaux exigent une extrême prudence

… car trois soutes à munitions sont encore garnies !

Une coutume à la mode veut que l’on attribue un nom à une entreprise de quelque envergure. S’il fallait « baptiser » la tâche que sont en train d’accomplir les techniciens et les scaphandriers de la firme Van Acker, je crois qu’il n’y aurait pas à hésiter : ce serait l’opération Poulet. On ne saurait en effet mieux comparer ce laborieux dépeçage de la « Bretagne » qu’à un savant découpage d’une volaille rôtie…

Avec, toutefois, quelques conditions particulières. La dureté de la matière, d’abord, qu’il faut sectionner au chalumeau ; puis le fait capital que le travail se fait sous le niveau de la mer, par des fonds qui varient de 10 à 30 mètres !

De la dynamite par petites doses…

-Depuis la mise en service du chantier, m’a dit un ingénieur, nous avons découpé et mis à terre cet amoncellement de ferraille, soit environ 300 tonnes. C’est peu, évidemment, comparé à ce qui nous attend.

« Ce sont surtout des pièces de la superstructure du navire. Il s’agit donc, en réalité, d’un travail préliminaire. »

Je vois, d’ailleurs, sur le terre-plein du quai où l’entreprise Van Acker a édifié ses baraques-ateliers, un stock de blindages, de tôles aux lignes tourmentées, rougies par l’oxydation. C’est le premier lot de récupération que la société concessionnaire enverra à la fonderie.

Mais pour en être à son début, le travail effectué dans le plan d’eau de Mers-el-kébir n’en présente pas moins un caractère délicat qui nécessite la plus grande prudence. Comme la plupart des découpages se font à l’intérieur de l’épave, les scaphandriers opèrent surtout dans des pièces et réduits cloisonnés, et doivent de ce fait éviter d’approcher la flamme des chalumeaux des poches de gaz existants ou qui auraient pu se former en cours de travail.

Pour favoriser l’évacuation de ces volumes gazeux, on fait partir de temps à autre de petites charges d’explosif – des cartouches d’une centaine de grammes – qui, par ailleurs, en ébranlant l’épave, tendent à « débloquer » les rivets.

Ne dansez pas sur un volcan !

On conçoit que pendant de telles opérations sous-marines, il n’est pas recommandé aux amateurs de pêche à la « palangrotte » ou seulement aux passionnés de navigation de plaisance de croiser dans les parages.

- Il y a quelques jours de cela, m’apprend un dirigeant de l’entreprise, nous apercevions avec stupéfaction qu’une barque avec une quinzaine de personnes à bord voguait en plein milieu des huit bouées qui jalonnent, à 50 mètres de l’axe du bateau, la surface dangereuse ! Songez que dans le fond quatre chalumeaux fondaient du blindage à proximité des stocks de munitions, mines et explosifs encore contenus dans les soutes du navire ! »

C’est pour éviter le renouvellement d’imprudence de ce genre que le contre-amiral Geli, commandant la Marine en Algérie, a rappelé aux populations d’Oran et de Mers-el-Kébir le danger que présente toute incursion dans les parages avoisinant l’épave. Ce communiqué, il me semble opportun d’en rappeler le texte :

- Il est interdit à toute embarcation de pêche ou de plaisance de s’approcher à moins de 200 mètres des huit bouées mouillées autour de l’épave de la « Bretagne », en raison des dangers que ces embarcations risquent dans le cas d’explosions locales, ou de brusques dégagements de poches d’air, et qu’elles font courir aux scaphandriers de l’entreprise chargée du renflouement de l’épave.

« Il est dangereux de circuler dans les parages de l’épave, ou de se baigner sur les plages de Mers-el-Kébir, au moment de l’éclatement des pétards de démolition. Les pétardements, qui peuvent, dès maintenant, avoir lieu tous les jours, en principe de 8h à 8h30 et de 17h à18h, sont signalés par un pavillon à damiers blancs et rouges hissé à un mât installé à l’angle des deux bras de la jetée Nord de Mers-el-Kébir. »

Le pavillon hissé au mât de la jetée prévient également les autres entreprises chargées des travaux portuaires de Mers-el-Kébir, qui, dès son apparition, font remonter leurs scaphandriers.

- Cet « état d’alerte » va-t-il durer longtemps encore ? ai-je naïvement demandé à M.l’ingénieur Guillou, de la DCAN, qui a pour mission de surveiller les travaux de découpage.

- Il est certain, au contraire, m’a répondu ce technicien, que le danger ira grandissant. Car au fur et à mesure de l’avancement du programme entrepris, puis au cours de l’évacuation des munitions, c’est-à-dire lorsqu’on arrivera près des blindages, les pétardements seront de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants. »

 

Oranais, mes amis, baigneurs éventuels de la petite plage de « La Sardine » ou pêcheurs amateurs, vous voilà donc prévenus des risques auxquels votre insouciance peut vous exposer. Prenez garde au pavillon-damier blanc et rouge !

Quatre de la plongée : Des gars qui connaissent leur métier

- Le travail est organisé à terre, mais c’est au chef scaphandrier que revient la responsabilité de l’exécution, et même très souvent de l’initiative. On peut considérer que ce spécialiste, contremaître, si l’on peut dire, de l’équipe sous-marine, est l’âme du chantier. C’est pourquoi ses qualités morales et professionnelles doivent être hors de pair. »

Ainsi s’exprima le chef de chantier Colonesi lorsque, en sa baraque-bureau d’étude plantée sur les quais de Mers-el-kébir, je lui demandai de me préciser la règle générale de l’organisation du travail.

Désormais, mon souci majeur était de voir à l’oeuvre ces vaillants ouvriers des fonds marins, ouvriers auxquels l’entreprise accordait une si grande confiance parce que, depuis plus de dix ans, ils accomplissent chaque jour un métier qui vraiment « n’est pas comme les autres »

Ceux qui ne sont pas remontés

- Voyez-vous, me dit cet autre technicien, malgré toutes les précautions prises, trois de nos scaphandriers ont péri au large de Toulon. Vous me répondrez qu’au regard de l’ampleur du travail effectué – une bonne cinquantaine de grosses épaves « traitées »- c’est relativement admissible, mais tout de même, quand on considère la mort atroce de ces braves gars…

« Tenez : une fois, ce fut une asphyxie qui terrassa l’homme qui s’était engagé à l’intérieur d’un contre-torpilleur. Ce fut encore l’explosion d’une grenade à bord du « Kersaint ». Puis encore une autre explosion, d’une poche de gaz non consommé dégagé par un chalumeau sous-marin… »

On devait me conter aussi la fin tragique, sur cette même épave de la « Bretagne », lors des travaux préliminaires de 1941, de l’ingénieur des constructions navales Monnier, que beaucoup d’Oranais ont connu, celui-là même qui participa d’une manière active à l’élaboration du plan détaillé du navire couché dans le fond de la baie.

L’ingénieur, au cours d’une plongée dans les entrailles du cuirassé, avait pénétré dans une suite de locaux envahis par les eaux lorsque, tout à coup, sous la poussée du courant une porte étanche se referma sur le tuyau d’arrivée d’air, coinçant du même coup la corde d’avertissement.

Quand, inquiet de cette visite trop prolongée, on envoya un second scaphandrier pour voir ce qui se passait, c’était trop tard : on remonta un cadavre. Cet ingénieur de grande valeur avait connu la plus terrible des fins…

- Le fait que nous évoluons à l’intérieur même du navire n’est pas la seule difficulté que nous éprouvons, constate un ouvrier de l’entreprise. Il y a aussi cette houle d’Est que nous ne soupçonnions pas et qui, certains jours, provoque une telle tension des élingues qu’une cassure est à craindre…

- Bah ! ajoute cet autre travailleur qui a suivi notre conversation : que voulez-vous, ce sont les risques du métier…

- C’est le compartimentage du navire de guerre qui crée la principale difficulté, poursuit son compagnon. Du fait des cloisons, on ne peut pas faire des coupes franches. Nous travaillons souvent dans un local fermé, et il faut se méfier de la poche de gaz qui peut se former sur notre tête. »

Un technicien confirmera d’une façon lapidaire et éloquente l’opinion que, déjà, je me suis faite, lorsqu’il me dira : « Ces hommes agissent avec une expérience de leur dur métier poussée jusqu’à la perfection ! »

Qui pourrait en douter ?

Avec les travailleurs de la mer

Ils sont quatre à former cette belle équipe : le chef responsable, Di Francisco, puis ses adjoints, qui sont aussi ses amis : Garnier, Léonard et Cesarini.

- Nous partons le 12 en congé payé, m’ont-ils appris, et nous reviendrons avec du renfort : nous serons peut-être 7 ou 8 pour le « gros boulot », dont un spécialiste artificier pour l’enlèvement des munitions et explosifs…

- Ça, c’est plutôt le « drôle de boulot » ne puis-je m’empêcher d’opiner…

L’homme à qui j’ai dit ça fait une moue accompagnée d’un roulement des épaules qui signifie quelque chose comme : « N’exagérons rien… », ou bien, comme l’ingénieur me l’avait déjà déclaré… « Bah ! C’est notre métier… »

Je n’insiste pas, et préfère revenir au côté purement technique du travail :

- On a coutume de dire que pour un aviateur qui vole il en faut beaucoup à terre pour lui permettre d’assurer sa mission. Chez vous, c’est un peu comme ça…

- Dans une certaine mesure, oui, me répond mon interlocuteur avec un sourire qui traduit la surprise d’une telle comparaison. Pour un scaphandrier en plongée, il faut d’abord une chaloupe, évidemment avec à bord son compresseur, et comme personnel un « guideur », un matelot pour la manoeuvre et un conducteur de chalumeau sous-marin.

« Tout cela constitue une équipe de manoeuvre, autonome pour « décortiquer » le secteur qui lui est assigné. »

Je possédais ainsi les données essentielles du problème à résoudre : le grignotage méthodique de ce cuirassé que le travail des hommes doit faire disparaitre morceau par morceau, en 38 mois sans un jour de plus… Il me restait à voir, en surface et dans l’eau, comment les choses se passaient.

C’était mon problème à moi…

J’ai vu, dans la mer un cyclope cracher du feu et fondre l’acier

Lors de ma première visite au plan d’eau de Mers-el-Kébir, où l’épave de la « Bretagne » est encadrée de huit bouées qui jalonnent la zone dangereuse à la navigation, j’avais éprouvé le désir intense de voir le navire de près, de le toucher, et surtout d’admirer ce spectacle inédit pour moi, d’un travail au chalumeau sous-marin.

- Descendre en scaphandre ? Nous vous le déconseillons pour deux raisons, m’avait dit l’ingénieur-chef des travaux. D’abord il y a danger, vu les conditions particulières de ce bassin, dont les fonds sont constamment remués par une houle d’Est, puis aussi par la position même du cuirassé, quille en l’air.

« Croyez-moi, il vaut mieux ne pas risquer une seconde édition de la tragique aventure arrivée au regretté ingénieur Monnier.

« Ensuite, il faut beaucoup d’expérience et une connaissance parfaite de l’infrastructure et des aménagements de l’épave pour s’y diriger, par ailleurs dans une semi-obscurité… »

Ma plongée sera modeste et naturelle…

Je ne pouvais, évidemment, que me rallier à ce point de vue, qui était en somme celui de la sagesse, pensant qu’en l’occurrence – et sous un angle tout à fait matériel – le journalisme peut mener à tout… à la condition toutefois d’ « en sortir »…

- Remarquez, ajouta l’ingénieur, que pour approcher un scaphandrier, un assez bon nageur peut y parvenir si l’ouvrier travaille au sommet de la coque. »

Dans un éclair, j’entrevis cette nouvelle réalité. Descendre, en eau calme, de trois ou quatre mètres avec un simple masque de chasse au harpon, c’était, comme on dit, « dans mes cordes ». D’autant plus qu’un coup de talons sur le sommet de la coque activerait singulièrement ma remontée.

J’étais désormais assuré du « coup d’oeil ».

En route vers l’épave

Mais il restait un autre problème à résoudre : prendre une photo sous-marine.

Là, j’avais un spécialiste : mon excellent ami le docteur Chambonnet, qui se repose de ses explorations radiologiques du corps humain en se livrant, en sportif passionné, à d’autres explorations plus riches en imprévus : celles des fonds marins. Il possédait d’autre part, tout le matériel nécessaire : un bateau, un scaphandre autonome et un appareil photographique avec son coffret étanche.

Puis, encore et surtout, l’expérience…

C’est ainsi qu’un beau matin de la semaine dernière je quittai le « Cercle de la Voile » à bord d’une vedette de 12 mètres qui fendait l’eau du port de toute la puissance de ses deux moteurs.

Malgré une houle de noroît assez forte, il ne nous fallut pas plus de 12 à 15 minutes pour arriver au port de Mers-el-Kébir, où les trois chaloupes-scaphandres se balançaient mollement sur leurs amarres, au teuf-teuf lancinant des compresseurs en action. Une brume épaisse tamisait les rayons du soleil : le temps n’était pas trop favorable à une exploration sous-marine.

Tant pis ! Nous verrons bien ce que ça donnera !

L’enfer au sein des flots !

Les choses se précipitent. Le scaphandrier Garnier, un solide gars qui ne compte plus ses heures et ses journées de travail « au fond », se laisse glisser dans l’eau. Sur la chaloupe, l’aide allume le chalumeau au propane, qui lance une flamme de trente bons centimètres. Puis – chose ahurissante pour le profane que je suis – l’outil est mis à l’eau, où le feu descend au fur et à mesure du déroulement du conduit souple !

Le docteur Chambonnet est « paré », moi aussi, et… plouf ! Tout le monde descend !...

Tout le monde, moi compris, qui parviens à toucher la quille de la « Bretagne », que recouvre une végétation touffue parsemée de coquillages qui m’entailleront la plante des pieds.

Par la vitre embuée de mon masque, j’assiste alors à des séquences d’un spectacle tantôt plaisant, tantôt hallucinant.

Plaisant lorsque je vois « papillonner » dans un gracieux ralenti, le plongeur libre de ses mouvements autour du scaphandrier, comme figé par ses cordages et son tube noir.

Hallucinant quand, dans une dernière descente, j’ai en face de moi un véritable monstre interplanétaire, quelque Martien tombé du ciel dans la mer, un de ces Cyclopes qui, selon la légende, forgeaient les foudres de Jupiter sous les ordres de Vulcain !

Je sais que plus loin, vers l’arrière du navire, deux autres vaillants travailleurs de la mer découpent aussi les blindages des doubles fonds, font des trous qui permettront d’accéder aux soutes à munitions.

Je sais aussi que la « Bretagne », cuirassé d’escadre, qui connait là une seconde et dernière agonie, restera en nos coeurs d’Oranais, comme l’impérissable symbole d’un sacrifice d’autant plus glorieux qu’il fut malheureux…

Article et reportage de Firmin ELLUL

L’ECHO D’ORAN - 1952

 

 

 

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